vendredi 29 octobre 2010

Jesusa et ses chullos



Si vous venez à Cuzco et que vous grimpez la calle Resbalosa, prenez le temps de vous arrêtez à mi-chemin pour admirer les travaux de Jesusa, un petit bout de femme d'une quarantaine d'année, qui tient un étal de lainage. Pour quelques soles vous pourrez alors ramener un chullo (bonnet péruvien) en souvenir.

Cela fait presque une dizaine d'année qu'elle s'est installée dans cette rue. Avec d'autres collègues, comme elles les appelle, elle partage un dépôt un peu plus bas dans la rue, marqué par une porte en bois de couleur bleue. Elle loue le local 50 soles le mois. Tous les matin, elle vient y chercher les pulls, les gants et les chaussettes en alpaca (animal proche du lama, très apprécié pour sa laine et sa viande) qu'elle a confectionnés elle-même, à la main ou à la machine. Et quelques marches plus loin, elle installe sa marchandise à la vue des passants. Vous la verrez tricoter sans cesse afin de vous proposer un plus large éventail de choix, sachant qu'un petit bonnet lui coûte déjà 4 à 5h de travail.



Nous avons rencontré Jesusa dès notre premier jour à Cuzco. On lui a acheté un petit chullo et elle nous a alors remercié, ainsi que Dieu pour nous avoir permis de lui acheter un des ses travaux. Au fil des jours, alors que la montée de la rue Resbalosa épuisait notre souffle, nous nous arrêtions faire une pause auprès de Jesusa, admirant ses œuvres et succombant quelquefois. Elle nous explique alors les difficultés qu'elle rencontre.

La meilleure période de l'année reste les mois de juin, juillet et août, la saison touristique. Mais 2010 n'a pas été propice aux affaires. Selon elle, la grippe porcine et le mondial de football ont poussé les voyageurs vers d´autres contrées. Puis, la pluie a été abondante: dans ce ce cas, il faut vite rattrouper la marchandise pour la mettre à l'abri. Et attendre que la pluie cesse, continuant à tricoter, protégée par un seul plastique. Comme nous dit Jesusa, elle et ses collègues pourraient vendre dans leur dépôt, mais les touristes n'y entrent pas. Elles préfèrent alors la rue, même si cela signifie prendre la poudre d'escampette à l'arrivée de la police municipale.

Et puis il y a des jours où seul le temps passe, sans aucun acheteur en vue . Les "bons" mois, Jesusa arrive à gagner 300 soles de bénéfice, après avoir payé la location de son dépôt, ses charges personnelles et la mensualité universitaire pour son plus jeune fils. Celui-ci, âgé de 18ans, étudie l'informatique et souhaite une autre vie que le reste de sa famille, loin de l'artisanat et de la vente itinérante, comme c'est le cas pour le gendre et le fils cadet de Jesusa.

Jesusa, pourtant, est originaire d'un milieu d'agriculteurs. Elle a grandi à Sicuani, un village à quelques heures de Cuzco. C'est là que son père, Francisco, lui a appris à tricoter, quand elle ne l'aidait pas aux champs. A 18 ans, elle est tombée enceinte de sa fille et est partie pour la ville, avec son époux, un joueur de zampona (flûte andine). Malheureusement, celui-ci l'a abandonnée, la laissant seule  avec ses trois enfants. C'est là qu'elle a décidé de vendre des lainages.

Aujourd'hui, Jesusa vit à Cuzco, avec ses deux fils. Elle a la chance d'être propriétaire de sa maison, celle où elle s'était installée avec son époux à son arrivée en ville. Les loyers sont chers et ses fils l'accompagneront jusqu'à ce qu'ils fondent, à leur tour, une famille. Sa fille et son petit fils, quant à eux, ne vivent pas bien loin d'elle.

Lors de notre dernier jour à Cuzco, nous sommes passées dire au revoir à notre amie, sans oublier de ramener quelques unes de ses œuvres dans nos valises. On pensera bien à elle lorsque nous reviendrons lutter contre le froid hivernal franc-comtois!

3 commentaires:

  1. Histoire sans doute partagée par beaucoup de péruviens!! c'est cool, on a l'impression d'y être!

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  2. MERCI DU FOND DU COEUR POUR LE CHULLO

    SACHEZ QU IL PORTE BONHEUR...

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