Uyuni 1h30 du matin.
Nous approchons de la gare routière, emmitouflées dans nos anoraks, luttant contre un froid glacial. Un homme, dans une grande cape de pluie, se promène dans le noir; au loin, un chien hurle à la mort. Uyuni conservera jusqu'au dernier instant cette atmosphère "apocalyptique".

Notre train en partance pour Villazón (ville frontière avec l'Argentine) doit mettre les voiles dans un peu plus d'une heure. Nous attendons alors dans la gare, patiemment. L'attente, on commence à en connaître le goût. Depuis, 10h30 que nous avons rendu les clefs de notre chambre et que nous regardons notre montre tourner, lisant et jouant aux cartes.
Une histoire malchanceuse avec une agence de voyage, auprès de laquelle nous avions acheté nos billets de train, vexée comme un pou que nous ne soyons pas parties avec elle en excursion dans le Salar, nous a valu de ne récupérer que des billets de troisième classe. Non, pas que nous voulions faire nos petites bourgeoise, mais pour 10 bolivianos supplémentaires (soit 1euro), nous avions apparemment accès à un service bien plus confortable. Et lorsqu'on peut ménager notre sommeil, nous n'hésitons pas. Surtout que le voyage s'annonce assez long, après les 15h d'attente à Uyuni : 9h de train nous sépare de Villazón, où nous devons traverser la frontière et rejoindre La Quiaca, en Argentine ; de là, nous prendrons un bus pour Salta, où nous prévoyons d'arriver vers 23h.
Nous avons donc l'occasion de découvrir comment voyagent la majorité des boliviens puisque nous sommes bien les seules à ne pas faire couleur locale dans ce compartiment, accompagnées uniquement d'un jeune israélien. L'expérience n'est pas vaine: wagon poussiéreux, sol revêtu de détritus, sièges à l'assise plus que rigide où trois personnes doivent prendre place (alors qu'ils ne peuvent techniquement qu'en accueillir 2,5 voire 2), odeurs locales et festivals de tradition. Les mamas, chargées comme des mules, s'emmitouflent dans leur couverture afin de passer la nuit, des petites vieilles déboussolées tiennent des discours dans une langue indéchiffrable et les enfants chahutent joyeusement. Nous réussissons tout de même à dormir par à-coups jusqu'au lendemain 13h, admirant un paysage plus verdoyant que ceux des hauteurs andines.

Arrivées à Villazon, nous filons tout droit vers la frontière. 1h30 d'attente et enfin, nous avons nos petits tampons dans nos passeports pour nous rendre en Argentine!! A l'autogare de La Quiaca, nous prenons notre billet pour Salta. Il est 14h40 et le départ du prochain bus est annoncé à 16h30, nous avons donc le temps de soulager nos petits estomacs affamés et de prendre place dans un restaurant de l'autre côté de la rue.
L'Argentine, nation du Che Guevara
Attablées, nous commandons un poulet-frites et replongeons nos nez dans nos guides quand, subitement, nous prenons conscience que l'Argentine n'est pas sur le même fuseau horaire que la Bolivie: il est 16h10 et non 15h10! Après avoir expliqué la situation à la serveuse et attendu la fin de cuisson de nos poulets, nous embarquons notre déjeuner et filons à l'autogare avec quelques minutes d'avance.
Six à sept heures de trajet nous sépare alors de Salta et seul un arrêt de 15mn était annoncé à Jujuy. Mais nous commençons à avoir l'habitude, la conception latino-américaine du mot "direct" semble quelque peu différente de la conception européenne. Vers 18h, alors qu'on fait une halte dans une petite ville pour prendre quelques passagers, nous en profitons pour nous repoudrer le nez. Mais en sortant des toilettes, nous apercevons soudainement le bus mettre les voiles et nous avons juste le temps de le stopper et de remonter à bord. Au cours des arrêts, nous ne serons toutefois pas les seules à expérimenter cet abandon.
Nous somnolons durant le reste du voyage, interrompues par la gendarmerie nationale qui, en tant que douane volante, inspecte tous les paquets de jouets et autres ustensiles que les argentines ramènent apparemment de Bolivie et destinés à la revente. Mais toujours en quantité suffisante pour agacer les gendarmes et pour éviter la confiscation de la marchandise.
A 21h, après avoir dépassé Jujuy, on s'attend à arriver d'ici deux heures à Salta. Mais voilà qu'on s'arrête encore une fois, le bus se vidant jusqu'à ce qu'il ne reste plus que nous à l'intérieur! Le chauffeur nous somme alors de descendre car : "c'est le terminus!". Naïvement, nous demandons: "on est à Salta?"; et le chauffeur, pressé, nous répond : "Non, à Perigo. Pour Salta, il fallait descendre à Jujuy". Ah ben, c'est gentil de nous le dire seulement maintenant!!!!
Maudissant le guichetier de La Quiaca, nous récupérons nos sacs et filons nous plaindre au comptoir de la compagnie. Là, une jeune fille réfléchit à une solution possible : elle nous rembourse nos billets et nous propose de reprendre un bus à 2h du matin depuis Perigo et "direct" jusqu'à Salta. Malgré les 3heures d'attente, c'est le meilleur compromis. Puis, ce n'est pas luttant contre un vent glacial que nous devrons nous passer le temps, mais par une charmante soirée estivale : bienvenue en Argentine! De quoi adoucir ces désagréments routiers!
Nous nous installons à la table d'un kiosque, buvant du thé et jouant aux cartes jusqu'à l'heure de départ annoncé, retardé par la suite encore d'une heure et demie. Mais après 2h de voyage et une fouille supplémentaire par la gendarmerie, nous arrivons enfin à Salta au petit matin.
Ni une, ni deux, nous sautons dans un taxi qui nous dépose dans un hôtel abordable repéré dans le "Lonely planet" et nous nous écroulons dans nos lits où nous nous abandonnons aux douces joies du sommeil.
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Salta |