Lors de notre séjour à Cordoba nous avons intégré le corps de volontaires de l'Hôpital des Enfants, fondé en 1965 par le Dr Romis Amado Raiden sur le constat du mutisme et du silence dans lequel évoluaient les enfants malades. Cette association a alors pour objectif de divertir l'enfant et de lui faire oublier un temps son hospitalisation. Sa mission: "llenar de amor las horas vacías del niño internado".
L'association a débuté avec une demi-douzaine de volontaires, qui se réunissait dans un minuscule local dans l'ancien hôpital, rue Corrientes. Une salle de jeu a été aménagée et est devenue le lieu de divertissement et de célébration des anniversaires et autres fêtes. Depuis une dizaine d'année, l'hôpital a déménagé plus au sud de la ville. Et le corps de volontaires a suivi également, sollicitant un nouvel espace où s'installer. Une terrasse a alors été habilitée en annexe grâce aux donations de la communauté pour une valeur totale de 400 000 pesos.
En effet, l'Hôpital de Niños est un hôpital provincial qui offrent des prestations gratuites à ses patients. Toutefois la marge de manœuvre de la Province est réduite, et le Gouvernement absent. Ce sont donc les capitaux privés qui permettent à l'hôpital de subsister et de développer ses technologies. D'ici peu, l'hôpital commencera à pratiquer des transplantations. Mais pour le moment il faut se rendre à Buenos Aires pour bénéficier gratuitement de ce genre de prestations.
L'hôpital manque principalement d'infirmières mais on constate aussi que les ressources matérielles restent précaires. L'équipement est obsolète face à celui qui meuble nos hôpitaux. Les lits se redressent par manivelle (si celle-ci ne vous reste pas dans la main), les parents passent la nuit assis sur des chaises de jardin et doivent bien souvent se procurer eux-mêmes draps et couvertures pour le couchage de leur enfant. Nous avons même vu une petite fille dont la broche à sa jambe était soutenue par... le plateau d'une table. Le système D n'est donc pas étranger au quotidien de cet hôpital.
Le père de Lucas, un enfant autiste d'une dizaine d'année, nous a conté son histoire et les difficultés de prise en charge face à la maladie de son fils, l'autisme étant très mal connu en Argentine. Il habite à plusieurs heures de route de Cordoba, mais l'Hôpital de Niños est le centre public le plus proche de chez lui offrant alors un service neurologique. Hospitaliser son enfant à Cordoba entraîne, pour lui et sa famille, des frais latéraux considérables, comme le logement: leurs autres enfants sont restés chez des parents tandis que sa femme et lui, hébergés dans une pension, se rendent à tour de rôle au chevet de Lucas. Il nous raconte alors que les argentins cotisent à travers leur travail à la sécurité sociale. Sa femme cumule deux emplois, dont un comme travailleur social dans une institution publique, et que sur les deux parents, aucun ne bénéficie d'assurance. En effet, il dépend de l'employeur de décider si oui ou non il versera les cotisations à l'état en faveur de ses salariés. A la sortie de l'hôpital, ils devront amener tous les mois Lucas voir un médecin à proximité de leur ville. Ce médecin, spécialiste en neurologie délivre des consultation mensuelles à titre privé. Mais pour le père de Lucas, "ça sera toujours moins cher que de venir jusqu'à Cordoba".
Cette expérience à l'hôpital nous a permis de constater la pauvreté sociale qui n'est pas visible au premier coup d'œil dans ce pays aux airs européens. Les soins médicaux peuvent donc représenter un vrai gouffre financier pour les familles, surtout celles qui vivent à des kilomètres des premières institutions publiques. Mais le public accueilli à l'hôpital présente également d'autres carences importantes. C'est en jouant avec les patients que nous avons pu constater qu'il n'est pas rare de rencontrer des enfants de huit ou dix ans ne sachant pas lire ou compter au-delà de dix. Souvent les parents eux-mêmes sont analphabètes. Les puzzles constituent également un bon indicateur de la stimulation cérébrale de l'enfant, des patients de ce même âge préfèrent souvent un puzzle en bois d'une quinzaine de pièce car impuissant devant un puzzle composé d'une cinquantaine. C'est aussi dans cet environnement qu'on a pris conscience de la maternité précoce, l'avortement étant prohibé en Argentine (un projet de loi est toutefois en cours, mais reste un sujet délicat à l'approche des présidentielles de 2011).
La salle de jeu, uniquement (et rarement) ouverte aux enfants
Ces indicateurs montrent de réels besoins de la part du public et une nécessité de persister dans la communication interne avec le corps médical et les familles. Le corps de volontariat a donc encore d'autres batailles à livrer, mais ne veut malheureusement se concentrer que sur l'enfant, au lieu de considérer l'individu dans son entité familiale: une salle ouverte à la famille avec visionnage de film et dégustation de thé, un service de prêt de livres pour adultes, des séances de stimulation cérébrales ou d'initiations alphabétiques peuvent être de nouveaux projets. Les durées de séjour s'étendent de quelques jours à plusieurs mois et il est certain que les besoins diffèrent d'une famille à l'autre. Mais nous avons été très surprises d'entendre Tita et Haydn, les deux volontaires avec qui nous avons réalisé notre entretien, nous répondre qu'aucun manque ne se présentait. Comme dit Marie, "C'est bien la première fois que j'entends une association dire qu'elle n'a besoin de rien!". Si tel est le cas, il ne devrait pas être difficile pour ces âmes charitables d'ouvrir un nouveau chapitre à leur histoire.
Nous remercions tous les volontaires de nous avoir si chaleureusement accueillies.
L'association a débuté avec une demi-douzaine de volontaires, qui se réunissait dans un minuscule local dans l'ancien hôpital, rue Corrientes. Une salle de jeu a été aménagée et est devenue le lieu de divertissement et de célébration des anniversaires et autres fêtes. Depuis une dizaine d'année, l'hôpital a déménagé plus au sud de la ville. Et le corps de volontaires a suivi également, sollicitant un nouvel espace où s'installer. Une terrasse a alors été habilitée en annexe grâce aux donations de la communauté pour une valeur totale de 400 000 pesos.
le dépôt de l'association
L'association s'intègre à l'organigramme de l'hôpital mais fonctionne de manière totalement autonome. Les responsables ont un devoir de communication envers la Direction, notamment lorsqu'il s'agit de solliciter un espace et se fait un plaisir de convier le corps médical lors d'évènements particuliers comme la fête de noël. L'association ne reçoit aucune subvention de la part du gouvernement, et devant la situation économique que vit actuellement l'Hôpital, celle-ci est, d'ailleurs, un soutien non-négligeable. Elle reçoit un grand nombre de donations matérielles et distribue des denrées alimentaires et des vêtements aux parents qui viennent le plus souvent de classes défavorisées. Mais son plus grand appui reste la distribution de couches (600 par jour), un budget que l'hôpital ne pourrait supporter.En effet, l'Hôpital de Niños est un hôpital provincial qui offrent des prestations gratuites à ses patients. Toutefois la marge de manœuvre de la Province est réduite, et le Gouvernement absent. Ce sont donc les capitaux privés qui permettent à l'hôpital de subsister et de développer ses technologies. D'ici peu, l'hôpital commencera à pratiquer des transplantations. Mais pour le moment il faut se rendre à Buenos Aires pour bénéficier gratuitement de ce genre de prestations.
L'hôpital manque principalement d'infirmières mais on constate aussi que les ressources matérielles restent précaires. L'équipement est obsolète face à celui qui meuble nos hôpitaux. Les lits se redressent par manivelle (si celle-ci ne vous reste pas dans la main), les parents passent la nuit assis sur des chaises de jardin et doivent bien souvent se procurer eux-mêmes draps et couvertures pour le couchage de leur enfant. Nous avons même vu une petite fille dont la broche à sa jambe était soutenue par... le plateau d'une table. Le système D n'est donc pas étranger au quotidien de cet hôpital.
Le père de Lucas, un enfant autiste d'une dizaine d'année, nous a conté son histoire et les difficultés de prise en charge face à la maladie de son fils, l'autisme étant très mal connu en Argentine. Il habite à plusieurs heures de route de Cordoba, mais l'Hôpital de Niños est le centre public le plus proche de chez lui offrant alors un service neurologique. Hospitaliser son enfant à Cordoba entraîne, pour lui et sa famille, des frais latéraux considérables, comme le logement: leurs autres enfants sont restés chez des parents tandis que sa femme et lui, hébergés dans une pension, se rendent à tour de rôle au chevet de Lucas. Il nous raconte alors que les argentins cotisent à travers leur travail à la sécurité sociale. Sa femme cumule deux emplois, dont un comme travailleur social dans une institution publique, et que sur les deux parents, aucun ne bénéficie d'assurance. En effet, il dépend de l'employeur de décider si oui ou non il versera les cotisations à l'état en faveur de ses salariés. A la sortie de l'hôpital, ils devront amener tous les mois Lucas voir un médecin à proximité de leur ville. Ce médecin, spécialiste en neurologie délivre des consultation mensuelles à titre privé. Mais pour le père de Lucas, "ça sera toujours moins cher que de venir jusqu'à Cordoba".
Cette expérience à l'hôpital nous a permis de constater la pauvreté sociale qui n'est pas visible au premier coup d'œil dans ce pays aux airs européens. Les soins médicaux peuvent donc représenter un vrai gouffre financier pour les familles, surtout celles qui vivent à des kilomètres des premières institutions publiques. Mais le public accueilli à l'hôpital présente également d'autres carences importantes. C'est en jouant avec les patients que nous avons pu constater qu'il n'est pas rare de rencontrer des enfants de huit ou dix ans ne sachant pas lire ou compter au-delà de dix. Souvent les parents eux-mêmes sont analphabètes. Les puzzles constituent également un bon indicateur de la stimulation cérébrale de l'enfant, des patients de ce même âge préfèrent souvent un puzzle en bois d'une quinzaine de pièce car impuissant devant un puzzle composé d'une cinquantaine. C'est aussi dans cet environnement qu'on a pris conscience de la maternité précoce, l'avortement étant prohibé en Argentine (un projet de loi est toutefois en cours, mais reste un sujet délicat à l'approche des présidentielles de 2011).
l'heure du thé
Aujourd'hui, le corps de volontaires compte 93 membres (composé à 95% de femmes). Le statut social qui lui est conféré a donné naissance à un règlement rendant obligatoire le port de l'uniforme et l'élection pour deux ans d'un Président et d'une Commission. Les volontaires doivent venir 4h minimum par semaine et attendent deux ans avant de se voir titulariser. Malgré cette formelle organisation, on déplore l'absence de protocole et une communication plus régulière et étroite avec le corps médical, notamment concernant les questions d'hygiène. Nous ne nous posons pas en tant qu'expertes, mais la peur des bactéries que nous développons dans nos pays nous amène à nous surprendre de certaines conduites. A l'exception des enfants en isolement qui appellent des consignes plus strictes (pas toujours suivies), seul un lavage de main est alors nécessaire pour passer d'une chambre à l'autre alors que les jeux circulent dans les mains et les bouches des patients sans être désinfectés.La salle de jeu, uniquement (et rarement) ouverte aux enfants
Ces indicateurs montrent de réels besoins de la part du public et une nécessité de persister dans la communication interne avec le corps médical et les familles. Le corps de volontariat a donc encore d'autres batailles à livrer, mais ne veut malheureusement se concentrer que sur l'enfant, au lieu de considérer l'individu dans son entité familiale: une salle ouverte à la famille avec visionnage de film et dégustation de thé, un service de prêt de livres pour adultes, des séances de stimulation cérébrales ou d'initiations alphabétiques peuvent être de nouveaux projets. Les durées de séjour s'étendent de quelques jours à plusieurs mois et il est certain que les besoins diffèrent d'une famille à l'autre. Mais nous avons été très surprises d'entendre Tita et Haydn, les deux volontaires avec qui nous avons réalisé notre entretien, nous répondre qu'aucun manque ne se présentait. Comme dit Marie, "C'est bien la première fois que j'entends une association dire qu'elle n'a besoin de rien!". Si tel est le cas, il ne devrait pas être difficile pour ces âmes charitables d'ouvrir un nouveau chapitre à leur histoire.
Tita Et Haydn
Il est vrai que cette association a insufflé un vent nouveau au paysage bénévole de la région de Cordoba, donnant naissance à des corps de volontaires dans d'autres hôpitaux ou dans les Villas (banlieux) voisines. Le Dr Raiden est décédé il y a aujourd'hui trois ans , et il est certain que sa renommée est à elle seule une publicité pour l'association. Les donations dépendront sûrement dans les années à venir de la mobilisation des volontaires. Les plus anciennes comptent aujourd'hui plus de 40 ans de bénévolat, et un bon nombre atteint déjà une vingtaine d'année à leur actif. Pleines de compassion et d'admiration pour le travail du Dr, elles devront certainement accepter que l'association peut et se doit d'évoluer, notamment si elles veulent donner l'envie aux plus jeunes membres de rester et de s'investir.Nous remercions tous les volontaires de nous avoir si chaleureusement accueillies.
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